Dans son propre travail chorégraphique, Linehan cherche à obscurcir en douceur la frontière qui sépare la danse de tout le reste. Il aborde la création scénique du point de vue de l’amateur curieux. Il explore les interactions entre la danse et les formes de non-danse, jouant avec d’improbables conjonctions, juxtapositions et parallèles entre les textes, mouvements, images, musiques et rythmes.
Linehan considère ses danseurs comme des partenaires artistiques à part entière. À travers des questions et des improvisations physiques guidées, il les invite à explorer leur propre relation intime à la danse. Le mouvement émerge de manière organique, nourri par l’imaginaire et les traces inscrites dans le corps. Il ne s’agit pas de s’adapter à des formes ou des idéaux prédéfinis, mais de créer un biotope où la vitalité de chaque danseur·euse peut s’exprimer librement.
Un fondement essentiel de son travail réside dans notre manière de nous relier à notre environnement. Les thématiques écologiques occupent une place croissante dans ses créations récentes. Comment prendre soin du tissu qui relie toutes choses ? Comment notre environnement influence-t-il nos choix, nos corps, nos danses ? En laissant ces questions ouvertes, Linehan crée un espace pour une « danse vivante » — une danse sensible, attentive, en harmonie et réactive.
Avec cette même intention, il conçoit des ateliers pour danseurs et non-danseurs, où la connexion et l’interaction sont au cœur de la démarche. Dans Vita Activa, les participant·es s’immergent pendant une semaine autour des thèmes du « temps » et du « travail ». Une communauté temporaire se forme à travers des échanges intergénérationnels et une économie alternative. Open Monday est une session de danse inclusive où deux danseurs partagent leur pratique avec toute personne ayant envie de bouger. Land Connection Practices propose une reconnexion sensorielle à un espace vert urbain. Ce sont quelques exemples de la manière dont Linehan étend sa pratique au-delà du théâtre, pour toucher les gens dans des lieux inattendus.
Daniel Linehan a étudié la danse à Seattle avant de s’installer à New York en 2004. Cette même année, il attire l’attention du public avec son solo Digested Noise. Il connaît une percée internationale avec Not About Everything (2007), un solo présenté dans plus de 75 lieux à travers le monde et encore régulièrement joué. En 2008, il s’installe à Bruxelles, où il termine le Research Cycle à P.A.R.T.S. et fonde sa compagnie Hiatus. Il crée plus de vingt spectacles et est artiste en résidence à DE SINGEL, où il développe également A No Can Make Space, une publication performative offrant une plongée dans sa pratique chorégraphique. En tant que mentor et pédagogue, il est régulièrement invité par des festivals et institutions de danse à l’échelle internationale.
Avec Linehan, on ne doute jamais que la danse n'est pas qu'un médium esthétique : elle est chargée d'une valeur personnelle qui est aussi un principe de survie.
Didier Péron, journaliste Libération
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